CASTOR ET POLLUX (1754)

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Compositeur : RAMEAU, Jean-Philippe (1683-1764)
Auteur du texte : BERNARD, Pierre-Joseph (1708-1775)
Création : 11 janvier 1754 - Académie royale de musique (Paris)

Genre : Tragédie lyrique (5 actes)
Catalogue : RCT 32B 

Synopsis :

I. La fille du Soleil, Télaïre, est promise au roi Pollux. Sa sœur Phébé est désespérée de savoir que le frère du roi, Castor – qu’elle aime – est aussi épris de Télaïre. Son seul espoir réside en Lincée, rival malheureux des deux frères, qui entend ravir la princesse. Télaïre, de son côté, déplore son union prochaine avec Pollux, car c’est Castor qu’elle aime. Malgré l’aveu de leur tendresse réciproque, les amants choisissent de ne plus se voir. Revirement favorable, Pollux cède ses droits à son frère. Mais les réjouissances sont de courte durée : Lincée, secrètement guidé par Phébé, envahit la ville. Castor, mortellement blessé, s’effondre tandis que son frère poursuit les assaillants.

II. La pompe funèbre de Castor afflige le peuple. Télaïre pleure celui qu’elle aimait, d’autant que son rival vit toujours. À la princesse, inconsolable, Phébé rappelle que l’immortel Pollux saura venger son frère. Il s’avance, justement, et annonce que Lincée n’est plus. Télaïre réclame une preuve supplémentaire de son amour en obtenant de lui qu’il implore Jupiter de redonner vie à Castor. Pollux le lui promet.

III. Pollux est déchiré : s’il sauve son frère, Télaïre lui échappera. Mais, tandis que le Grand Prêtre annonce la descente de Jupiter, Télaïre lui rappelle sa parole donnée. Pollux obtient de son père la grâce de Castor, mais le prix à payer est terrible : en échange, c’est lui qui devra mourir. Pollux, déterminé, l’accepte.

IV. Secondé par Mercure, Pollux parvient aux enfers, où il retrouve Castor, captif sur les Champs-Élysées, et lui annonce sa résolution. Castor, touché, ne lui demande qu’une seule journée sur terre aux côtés de la princesse. Il reviendra ensuite délivrer son frère. Mercure le rend au jour.

V. Les retrouvailles des amants sont aussi intenses que brèves : lorsqu’elle apprend le pacte conclu entre les deux frères, Télaïre emploie tous les arguments pour conserver celui qu’elle aime. Les hésitations de Castor sont interrompues par des grondements sourds marquant l’impatience des Enfers. Mais, tandis que la situation atteint son paroxysme, Jupiter paraît pour annoncer que les deux frères pourront se partager leur immortalité : un ballet où paraissent les astres et les planètes couronne la naissance d’une nouvelle constellation, celle de Castor et Pollux.

[Benoît Dratwicki]

Parodie(s) :

Les parodies dramatiques de Castor et Pollux forment la plus étendue des séries parodiques d’opéra de Rameau (1737-1780) et ont la particularité d’avoir été représentées sur des théâtres variés (de la Comédie-Italienne au théâtre du Trianon).

Pierre-Thomas Gondot, Castor et Pollux
Création : en société, 14 janvier 1754
Localisation : édition, Bruxelles, s. n., 1754
Voir sur Theaville

Nicolas Guérin de Frémicourt, Les Jumeaux
Création : Comédie-Italienne, 09 mars 1754
Localisation : Supplément aux Parodies du Théâtre-Italien, Paris, 1765, t. I
Voir sur Theaville 

Pierre-Thomas Gondot, Les Gémeaux
Création : Comédie-Italienne, 10 mai 1777
Localisation : édition, Paris : veuve Duchesne, 1777
Voir sur Theaville

Pierre-Jean-Baptiste Nougaret, Le Bon frère
non représentée
Localisation : édition, Paris : veuve Duchesne et Belin, 1779
Voir sur Theaville

Jean-Étienne Despréaux, Christophe et Pierre-Luc
Création : Théâtre de Trianon, Versailles, mai 1780
Localisation : édition, Paris : Ballard, 1780
Voir sur Theaville  

Pierre-Jean-Baptiste Nougaret, Castor le cadet
Création : Ambigu-comique, 27 juillet 1780
Localisation : BnF, Fonds Rondel, ms. 346
Remaniement du Bon Frère.
Voir sur Theaville 

[Pauline Beaucé et Françoise Rubellin]

1754/1/8 - Académie royale de musique - CASTOR ET POLLUX (1754)

FEL, Marie (1713-1794) [Télaïre]
CHEVALIER, Marie-Jeanne (1722-1789 ap.) [Phébé]
JÉLYOTTE, Pierre de [Castor]
DECHASSÉ, Claude-Louis-Dominique (1699-1786) [Pollux]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Jupiter]
PERSON (1735-1738 ca fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
POIRIER, François (-1759) [Mercure]
DUBOIS L'aînée (1752-1770 fl.) [Cléone]
DUBOIS L'aînée (1752-1770 fl.) [Suivant / Suivante d'Hébé]
DUBOIS L'aînée (1752-1770 fl.) [Ombre heureuse]
SCELLE [chanteur], Mr (1749-1770 ca fl.) [Spartiate]
POIRIER, François (-1759) [Athlète]
LA TOUR, Mr (1742- fl.) [Athlète]

1758/12/6 - théâtre (Palais ducal) - CASTOR ET POLLUX (1754)

HEDOUX, Margherita (1757 ca- fl.) [Télaïre]
GRÉARD, Mlle (1758 ca- fl.) [Phébé]
LE NOBLE, Jacques [Castor]
CAILLOT, Joseph (1758 ca- fl.) [Pollux]
CAUSSE, François (1758 ca- fl.) [Jupiter]
REYNAUD, Alexandre (1757 ca- fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
GUIGUES, Giuseppe (1757 ca- fl.) [Mercure]
MERGERY, Marianne (1758 ca- fl.) [Cléone]
MISSOLI, Mr (1758 ca- fl.) [Athlète]
DEJARDINS, Mr (1758 ca- fl.) [Athlète]

1763/11/5 - Château, théâtre (FONTAINEBLEAU) - CASTOR ET POLLUX (1754)

ARNOULD, Sophie (1740-1802) [Télaïre]
CHEVALIER, Marie-Jeanne (1722-1789 ap.) [Phébé]
JÉLYOTTE, Pierre de [Castor]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Pollux]
LARRIVÉE, Henry [Jupiter]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
PILLOT, Jean-Pierre (1733-1789 ap.) [Mercure]
LAMALLE, Mlle (1754 ca-1763 ca fl.) [Cléone]
DUBOIS L'aînée (1752-1770 fl.) [Suivant / Suivante d'Hébé]
DUBOIS L'aînée (1752-1770 fl.) [Ombre heureuse]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Spartiate]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Spartiate]

1764/1/24 - Académie royale de musique - CASTOR ET POLLUX (1754)

ARNOULD, Sophie (1740-1802) [Télaïre]
CHEVALIER, Marie-Jeanne (1722-1789 ap.) [Phébé]
PILLOT, Jean-Pierre (1733-1789 ap.) [Castor]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Pollux]
LARRIVÉE, Henry [Jupiter]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Mercure]
SAINT-HILAIRE [Cléone]
BERNARD [Mlle] [Suivant / Suivante d'Hébé]
BERNARD [Mlle] [Ombre heureuse]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Spartiate]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Athlète]

1770/6/9 - Château (VERSAILLES) - CASTOR ET POLLUX (1754)

ARNOULD, Sophie (1740-1802) [Télaïre]
DUBOIS cadette, Mlle (1754-1780 ca fl.) [Phébé]
LEGROS, Joseph (1739-1793) [Castor]
LARRIVÉE, Henry [Pollux]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Jupiter]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
CAVALLIER, Mr [Mercure]
LEVASSEUR, Rosalie [Cléone]
LEMIÈRE, Marie-Jeanne, voir LARRIVÉE1733-1786 [Suivant / Suivante d'Hébé]
LEMIÈRE, Marie-Jeanne, voir LARRIVÉE1733-1786 [Ombre heureuse]
CASSAIGNADE (1763-1780 ca fl.) [Spartiate]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Athlète]
DU RAIS [Voix]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Voix]

1771/8/19 - CASSEL (NORD) - CASTOR ET POLLUX (1754)

BEAUPRÉ, Mlle (1771 ca- fl.) [Télaïre]
BROCHARD, Mlle (1771 ca- fl.) [Phébé]
BEAUPRÉ, Mr (1771 ca- fl.)
PLANTE, Mr (1771 ca- fl.) [Pollux]
MARVILLE, Mr (1771 ca- fl.) [Jupiter]
MARION, Mr (1771 ca- fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
DUFRESNE, Mr (1771 ca- fl.) [Mercure]
BELLVAL, Mlle (1771 ca- fl.) [Suivant / Suivante d'Hébé]
BELLVAL, Mlle (1771 ca- fl.) [Ombre heureuse]
DUFRESNE, Mr (1771 ca- fl.) [Spartiate]
DUFRESNE, Mr (1771 ca- fl.) [Athlète]
DUFRESNE, Mr (1771 ca- fl.) [Voix]

1772/1/21 - Académie royale de musique - CASTOR ET POLLUX (1754)

ARNOULD, Sophie (1740-1802) [Télaïre]
DUPLANT, Rosalie (1745) [Phébé]
LEGROS, Joseph (1739-1793) [Castor]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Pollux]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Jupiter]
BEAUVALET, Mr (1772 ca- fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Mercure]
DURANCY, Madeleine-Céleste (1746-1780) [Cléone]
CHÂTEAUNEUF [Cléone]
BEAUMESNIL, Henriette-Adélaïde Villard de (1748-1813) [Suivant / Suivante d'Hébé]
LEMIÈRE, Marie-Jeanne, voir LARRIVÉE1733-1786 [Suivant / Suivante d'Hébé]
BEAUMESNIL, Henriette-Adélaïde Villard de (1748-1813) [Ombre heureuse]
LEMIÈRE, Marie-Jeanne, voir LARRIVÉE1733-1786 [Ombre heureuse]
CASSAIGNADE (1763-1780 ca fl.) [Spartiate]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Athlète]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Voix]
MUGUET, Mr (1757-1780 ca fl.) [Voix]

1777/5/5 - Château (VERSAILLES) - CASTOR ET POLLUX (1754)

ARNOULD, Sophie (1740-1802) [Télaïre]
DUPLANT, Rosalie (1745) [Phébé]
LEGROS, Joseph (1739-1793) [Castor]
LARRIVÉE, Henry [Pollux]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Jupiter]
LAINÉ, Étienne (1753-1822)
CHÂTEAUNEUF [Cléone]
LEVASSEUR, Rosalie [Suivant / Suivante d'Hébé]
BEAUMESNIL, Henriette-Adélaïde Villard de (1748-1813) [Ombre heureuse]
MOREAU [chanteur] [Spartiate]
TIROT, Mr (1766-1780 ca fl.) [Voix]
LASUSE [Voix]

1778/10/11 - Académie royale de musique - CASTOR ET POLLUX (1754)

LEVASSEUR, Rosalie [Télaïre]
DUPLANT, Rosalie (1745) [Phébé]
LEGROS, Joseph (1739-1793) [Castor]
LARRIVÉE, Henry [Pollux]
GÉLIN, Nicolas (1726-1810) [Jupiter]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Jupiter]
DURAND [chanteur], Mr (1759-1780 ca fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
MOREAU [chanteur] [Grand prêtre de Jupiter]
LAINÉ, Étienne (1753-1822) [Mercure]
LE BOURGEOIS [chanteuse] [Cléone]
CHATEAUVIEUX [Cléone]
GAVAUDAN, Mlle (1778 ca- fl.) [Suivant / Suivante d'Hébé]
GIRARDIN CADETTE [Suivant / Suivante d'Hébé]
JOINVILLE, Mlle (1778 ca- fl.) [Ombre heureuse]
GIRARDIN CADETTE [Ombre heureuse]
MOREAU [chanteur] [Spartiate]
TIROT, Mr (1766-1780 ca fl.) [Athlète]
TIROT, Mr (1766-1780 ca fl.) [Voix]
MOREAU [chanteur] [Voix]
PERÉ [chanteur] [Furie]

1782/6/14 - Académie royale de musique - CASTOR ET POLLUX (1754)

LEVASSEUR, Rosalie [Télaïre]
DUPLANT, Rosalie (1745) [Phébé]
LEGROS, Joseph (1739-1793) [Castor]
LARRIVÉE, Henry [Pollux]
MOREAU [chanteur] [Jupiter]
LAÏS, François (1781 ca- fl.) [Grand prêtre de Jupiter]
LAINÉ, Étienne (1753-1822) [Mercure]
CHATEAUVIEUX [Cléone]
GIRARDIN CADETTE [Suivant / Suivante d'Hébé]
JOINVILLE, Mlle (1778 ca- fl.) [Ombre heureuse]
CHÉNARD, Mr (1782 ca- fl.) [Spartiate]
PERÉ [chanteur] [Furie]
REY [Furie]
POUSSEZ, Mr (1776 ca- fl.) [Furie]
LARLAT [Furie]

Mercure de France

Mercure de France, février 1754, p. 173

« L’Académie royale de Musique a remis au théatre, le Vendredi 11 Janvier,Castor & Pollux,Tragédie, qui avoit été donnée pour la premiere fois le 24 Octobre 1737. Les Auteurs ont fait à cette reprise des changemens que le Public a trouvés très-heureux. L’Auteur des paroles est M. Bernard, si connu par la douceur de ses mœurs, la délicatesse de son esprit & les charmes de sa Poesie. La Musique est de M. Rameau.
La Scene est aux Enfers, à Sparte, & dans les Cieux.
Le Théatre, au premier Acte, représente le Palais du Roi, avec tout l’appareil d’un Himenée. La premiere Scéne, entre Phébé & Cléone, contient toute l’exposition du sujet.
CLÉONE.
L’Himen couronne votre sœur,
Pollux épouse Télaïre.
Ce pompeux appareil annonce son bonheur ;
Mais j’entens Phébé qui soupire.
PHÉBÉ.
Mon cœur n’est point jaloux d’un sort si glorieux,
Une autre voix s’y fait entendre ;
Ah ! que n’est-il ambitieux !
Peut-être seroit-il moindre tendre.
Filles du Dieu du jour, par quels présens divers
Le ciel marque notre partage ?
Je reçus le pouvoir d’évoquer les Enfers,
Que Telaïre obtînt un plus doux avantage !
Elle commande aux cœurs, ou mon art ne peut rien ;
Un coup d’œil lui rend tout possible,
Je ne fais qu’étonner ce qu’elle rend sensible ;
Que son pouvoir est au-dessus du mien !
Que l’univers la trouve belle,
Je le pardonne à ses appas ;
Mais que l’ingrat Castor m’abandonne pour elle ;
Voilà que mon cœur ne lui pardonne pas.
CLÉONE.
L’Himen du Roi qui va rompre leur chaîne,
Doit vous rendre l’espoir de fixer votre amant.
PHÉBÉ.
Elle aura ses regrets, je n’aurai que la peine
D’esperer encor vainement…
Et si le Roi cédoit aux larmes de son frere
L’objet qui cause son tourment :
Tu vois ce que je crains, voici ce que j’espere.
Cléone en ce moment fatal,
Pour venger ma flâme offensée
Je leur garde un autre rival,
Et je puis disposer des fureurs de Lincée ;
Son amour qu’on outrage est tout prêt d’éclater.
Il veut de ce Palais enlever Telaïre…
Je la vois ; son triomphe augmente mon martyre,
Songeons à l’éviter.
Telaïre déplore sa situation dans un monologue ; elle aime Castor, & elle est sur le point d’épouser Pollux. Castor arrive pour lui faire ses adieux ; Telaïre s’en offense & Castor se justifie, en disant qu’il en a la permission de son époux. Pollux, qui les observoit, paroît en ce moment ; l’amitié triomphe de l’amour, & il céde Telaïre à Castor.
De deux objets que j’aime,
Je fais deux amans fortunés.
La fête qui étoit destinée pour les nôces de Pollux & de Telaïre, est troublée par un Spartiate, qui apprend que Lincée attaque le Palais ; on quitte les jeux pour courir aux armes, & Castor est tué par Lincée. Pollux se met à la tête de ses troupes pour poursuivre le meurtrier de son frere.
Le théatre représente au second Acte le lieu de la sépulture des Rois de Sparte. Ce sont des voûtes souterreines où l’on découvre plusieurs monumens éclairés par des lampes sépulchrales. On voit dans le lieu principal un grand mausolée élevé pour les funérailles de Castor, & environné d’un peuple qui gémit. Télaïre y vient en habit de grand deuil, & elle chante avec tout l’art possible ce fameux monologue, qui commençoit le premier Acte dans la nouveauté
Tristes apprêts, pâles flambeaux,
Jour plus affreux que les ténébres,
Astres lugubres des tombeaux,
Non, je ne verrai plus que vos clartés funébres.
Le désespoir de Telaïre augmente en voyant Phébé qui lui offre de tirer par son art l’infortuné Castor des Enfers, à condition qu’elle le lui cédera. Telaïre consent à tout, pourvû que son cher Castor renaisse. Des chants de victoire précédent l’arrivée du Roi qui vient apprendre à ses peuples que Lincée est immolé ; il s’adresse ensuite à Télaïre.
Princesse, une telle victoire
Doit adoucir pour vous l’horreur de ce séjour.
TELAÏRE.
La vengeance flate la gloire,
Mais ne console pas l’amour.
Pollux ne peut attendrir Telaïre, qui semble avoir toujours devant les yeux l’image de son amant ; elle espere en la promesse de Phébé. Alors Pollux, animé par la gloire, & échauffé par l’amitié, s’écrie :
Non, c’est en vain qu’elle le tente,
Et c’est encor à moi de réunir vos fers :
Aux pieds de Jupiter j’irai me faire entendre.
Le Dieu qui m’a donné le jour,
A mon frere peut le rendre.
TELAÏRE.
Ah ! Prince, osez tout entreprendre :
Montrez qu’aux immortels votre sort est lié.
Jupiter dans les Cieux, est le Dieu du tonnerre ;
Et Pollux sur la terre
Sera le Dieu de l’amitié.
Pollux sort en disant aux peuples d’occuper Telaïre, & de charmer ses beaux yeux par le spectacle de la gloire qu’il vient d’acquerir. Aussi-tôt les tombeaux disparoissent, & laissent voir une campagne agréable aux environs de Sparte ; ensuite des femmes Spartiates se mêlent à la fête des guerriers, & forment un divertissement pour célébrer la victoire de Pollux.
Le théatre représente au troisiéme Acte le vestibule du temple de Jupiter, où Pollux doit faire un sacrifice.
POLLUX, seul.
Present des Dieux, doux charmes des humains ;
O divine amitié ! viens pénétrer nos ames :
Les cœurs éclairés de tes flâmes,
Avec des plaisirs purs n’ont que des jours sereins :
C’est dans tes nœuds charmans que tout est jouissance,
Le tems ajoûte encor un lustre à ta beauté ;
L’amour te laisse la constance,
Et tu serois la volupté
Si l’homme avoit son innocence.
Le Grand Prêtre de Jupiter vient annoncer sa présence. Le théatre change, & Jupiter paroît assis sur un thrône dans toute sa gloire.
POLLUX à Jupiter
Ma voix, puissant maître du monde,
S’éleve en tremblant jusqu’à toi ;
D’un seul de tes regards dissipe mon effroi,
Et calme ma douleur profonde.
O mon pere, écoute mes vœux !
L’immortalité qui m’enchaîne,
Pour ton fils désormais n’est qu’un supplice affreux.
Castor n’est plus, & ma vengeance est vaine
Si ta voix souveraine
Ne lui rend des jours plus heureux.
O mon pere, écoute mes vœux !
JUPITER.
Que son retour, mon fils, auroit pour moi des charmes !
Qu’il me seroit doux d’y penser !
Mais l’Enfer a des loix que je ne puis forcer.
Et le sort me défend de répondre à tes larmes.
POLLUX.
Ah ! laisse-moi percer jusques aux sombres bords,
J’ouvrirai sous mes pas les antres de la terre ;
J’irai braver Pluton, j’irai chercher les morts,
A la lueur de ton tonnerre :
J’enchaînerai Cerbere, & plus digne des Cieux
Je reverrai Castor, & mon pere & les Dieux.
JUPITER.
J’ai voulu te cacher le sort qui te menace ;
D’un frere infortuné tu peux briser les fers,
Si tu descends dans les Enfers ;
Mais il est ordonné, pour prix de ton audace,
Que tu prennes la place.
Tes jours éternels, tes beaux jours
Sont trop dignes d’envie.
POLLUX.
Non, je ne puis souffrir la vie.
Si Castor, avec moi, n’en partage le cours.
Je reverrai mon frere, il verra Telaïre ;
Il est aimé, c’est à lui d’être heureux :
Chaque instant qu’ici je respire,
Est un bien que j’enleve à son cœur amoureux.
JUPITER.
Avant que de céder au zèle qui t’inspire
Vois ce que tu perds dans les Cieux ;
Plaisirs, charmes de mon empire,
Plaisirs, vous qui faites les Dieux,
Triomphez d’un Dieu qui soupire.
Les plaisirs célestes conduits par Hébé entrent en dansant, ils entourent Pollux. Jupiter se retire ; mais la fête la plus brillante & la plus délicieuse qui ait jamais été imaginée, & tous les plaisirs de l’Olimpe réunis ne peuvent arrêter Pollux.
Le théatre représente au quatriéme Acte l’entrée des Enfers, dont le passage est gardé par des montres, des spectres & des démons. C’est une caverne qui vomit sans cesse des flammes. Phébé arrive seule, & après qu’elle a évoqué les Esprits & les Puissances magiques qui paroissent à sa voix, Mercure descend des Cieux, & Pollux entre en même tems. Mercure dit à Phébé qu’elle fait de vains efforts, & que le fils de Jupiter aura seul l’avantage de pénétrer aux Enfers. Phébé veut en vain détourner Pollux de son entreprise, il est intrépide & conduit par l’amitié. Dans le tems qu’il se dispose à entrer dans la caverne, tous les monstres sortent des Enfers pour en défendre le passage, ce qui donne lieu à un trio admirable.
MERCURE, POLLUX, & PHÉBÉ.
Tombez, rentrez dans l’esclavage ;
Arrêtez, Démons furieux :
POLLUX, PHÉBÉ, MERCURE.
Livrez-moi /livrez-lui cet affreux passage.
POLLUX, PHÉBÉ, MERCURE.
Et redoutez / et respectez le fils du plus puissant des Dieux.
Les Démons veulent effrayer Pollux par leurs danses funestes, & par leurs cris.
CHŒUR des DÉMONS.
Brisons tous nos fers,
Ebranlons la terre ;
Embrasons les airs.
Qu’au feu du tonnerre
Le feu des Enfers
Déclare la guerre.
Jupiter lui-même
Doit être soumis
Au pouvoir suprême
Des Enfers unis.
Ce Dieu téméraire
Veut-il, pour son fils,
Detrôner son frere ?
Les Démons continuent leurs danses ; les Furies sortent des Enfers, & paroissent armées de flambeaux & de serpens. Pollux combat les Démons ; Mercure les frappe de son caducée, & s’abîme avec Pollux dans la caverne. Phébé est forcée de rester, & la rage dont elle est saisie, lui fait dire aux Puissances magiques qu’elle avoit évoquées :
Si Castor reprenoit la vie & son amour…
Esprits jaloux, haine fatale,
Et vous que j’appellois pour presser son retour ;
Ah ! fermez-lui plutôt la barriere du jour,
S’il doit vivre pour ma rivale.
Le théatre change, & représente les Champs Elizées arrosés par le fleuve Lethé. Des Ombres heureuses paroissent dans l’éloignement, & Castor s’avance seul sur le théatre. Les Ombres heureuses s’approchent en vain en dansant autour de lui ; leurs plaisirs tranquilles ne le touchent point, il n’est occupé que d’une tendre amante qu’il ne verra plus, & qui lui arrache des regrets. Les danseurs des Ombres heureuses sont interrompues par plusieurs voix qu’on entend derriere le théatre.
Fuyez, fuyez, Ombres légéres,
Nos jeux sont prophanés par des yeux téméraires.
Pollux entre & les rassure ; il embrasse ensuite son frere. Cette Scéne fait beaucoup d’effet, & est un vrai symbole de l’amitié. Pollux veut rendre Castor au jour, & rester à sa place dans les Enfers. Castor n’y sçauroit consentir : cependant la mort de Telaïre que Pollux lui annonce comme certaine, lui fait prendre un parti également tendre & héroïque.
CASTOR.
Oui je cède enfin à tes vœux.
J’rai sauver les jours d’une amante fidéle ;
Je renaîtrai pour elle ;
Mais puisqu’enfin je touche au rang des immortels,
Je jure par le Stix qu’une seconde aurore
Ne me trouvera pas au séjour des mortels.
Je ne veux que la voir, & l’adorer encore.
Et je te rends le jour, ton thrône & tes autels.
POLLUX à Mercure.
Ses jours sont commencés ;
Volez, Mercure, obéissez.
Pollux se retire avec les Ombres qui veulent retenir les deux freres, & Mercure enleve Castor dans un nuage.
Le théatre au cinquiéme Acte représente une vûe agréable des environs de Sparte ; il commence par une Scene très-tendre entre Castor & Telaïre ; on entend ensuite des chants de réjouissance, ce sont les peuples de Sparte qui viennent féliciter ces heureux époux. Castor leur dit d’un ton pénétré :
Hélas ! vous ignorez que votre attente est vaine.
TELAÏRE & le Chœur
Pourquoi vous dérober à des transports si doux ?
CASTOR.
Peuples, éloignez-vous,
Vos désirs augmentent ma peine.
Le peuple sort. Castor veut absolument quitter Telaïre ; mais elle le retient toujours. Le tems s’écoule promptement quand on est avec ce qu’on aime. Castor n’a pas rempli son serment ; on entend des coups de tonnerre. Telaïre en est effrayée, & elle s’écrie :
Hélas ! c’est moi qui t’ai perdu.
CASTOR.
J’entends frémir les airs, je sens trembler la terre.
C’en est fait, j’ai trop attendu.
ENSEMBLE.
Arrête, Dieu vengeur, arrête.
Le bruit redouble.
CASTOR.
L’Enfer est ouvert sous mes pas,
La foudre gronde sur ma tête.
Telaïre tombe évanouie de frayeur.
Ciel ! ô Ciel, Telaïre expire dans mes bras !
Arrête, Dieu vengeur arrête.
Cette situation est touchante jusqu’à arracher des larmes, ce qui n’est pas ordinaire dans les Tragédies lyriques.
Une symphonie mélodieuse succéde au bruit de la foudre. Jupiter descend du Ciel sur son aigle, & dit à Castor :
Les destins sont contens, ton sort est arrêté,
Je te rends à jamais le serment qui t’engage ;
Tu ne verras plus le rivage
Que ton frere a quitté ;
Il vit, & Jupiter vous promet le partage
De l’immortalité.
Pollux reparoît, & vient apprendre la mort de Phébé, qu’un malheureux amour a précipité dans les Enfers. Ensuite on voit les cieux s’ouvrir, qui laissent voir une partie du Zodiaque. Le Soleil, sur son char, commence à le parcourir. On voit la place destinée aux Jumeaux. Les Génies qui président aux Planétes & aux différentes constellations, occupent les côtés du théatre. Dans le fond est le Palais de l’Olympe. Jupiter, Pollux, Castor, Telaïre, le Soleil, tous les Dieux de l’Olympe, & les Génies qui président aux globes célestes paroissent ensemble.
JUPITER à Pollux & à Castor.
Tant de vertus doivent prétendre
Au partage de nos autels ;
Offrons à l’univers des signes immortels
D’une amitié si pure & d’un amour si tendre.
A Telaïre.
Et vous, jeune mortelle, embellissez les cieux,
Le sort accomplit ses promesses ;
C’est la valeur qui fait les Dieux,
Et la beauté fait les Déesses.
Les Génies qui président aux Planétes & aux différentes constellations forment le divertissement, pendant lequel Castor & Pollux vont remplir la place qui leur est destinée sur le Zodiaque.
La musique de cet Opéra est digne de M. Rameau ; c’est le plus grand éloge que l’on en puisse faire. Quoique Castor & Pollux n’ait eu dans sa nouveauté qu’un succès médiocre, les connoisseurs regardoient cet ouvrage comme un des plus beaux de l’Auteur, & le Public paroît aujourd’hui confirmer leur jugement. On a fort goûté dans le premier Acte, le premier air de violon dansé par Mlle Lani & on a extrêmement applaudi, avec justice, le bruit de guerre qui termine cet Acte. Le second Acte ouvre par le chœur Que tout gémisse & par le fameux monologue Tristes apprêts, deux morceaux de la plus grande réputation, & qui sont faits pour réussir par tout. La fête d’Hébé, dans le troisiéme Acte, a réuni tous les suffrages, sur tout l’air sur lequel on a mis les paroles, Que nos jeux comblent vos vœux. Le quatriéme Acte est sans contredit le plus beau de l’Opéra ; on y a applaudi avec transport le Trio en contraste avec le Chœur des Démons, & l’admirable Chœur qui suit, Brisons tous nos fers. La fête des Champs Elisées qui vient ensuite, n’est pas inférieure au commencement de l’Acte, & fait avec la fête infernale une opposition heureuse. Enfin dans le cinquiéme Acte, la scene de Castor et de Telaïre qui est parfaitement rendue, a été généralement applaudie. Le Poëte qui a fait un ouvrage très-théatral & rempli de situations, a fourni au Musicien l’occasion dont il a profité en homme de génie, de tracer un grand nombre de tableaux, & du plus grand genre. On auroit désiré en général dans cet Opéra un peu moins de fêtes, & des airs chantans un peu plus variés, ou du moins un peu plus sortans ; il y a apparence que ceux du troisiéme et du quatriéme Acte, qui sont très agréables, auroient fait plus d’effet s’ils avoient été mieux chantés. M. Chassé a mis dans son rôle beaucoup de noblesse, M. Jeliote beaucoup d’ame, Mlle Fel beaucoup d’expression, & Mlle Chevalier beaucoup d’action. Le succès de cet Opéra est d’autant plus flateur pour M. Rameau, que ce succès est accompagné de la plus grande estime pour l’ouvrage & pour l’Auteur. Le Public, à la première représentation & dans les suivantes, a donné à la personne de M. Rameau des marques de sa satisfaction par des applaudissemens vifs & réitérés.
Après avoir donné une idée du Poëme & de la Musique, nous insisterons un peu sur les Ballets qui nous ont paru ingénieusement dessinés.
La fête du mariage de Castor & de Telaïre, unis par Pollux, qui sacrifie son amour pour Telaïre à l’amitié qu’il a pour son frere, forme le Divertissement du premier Acte. Ce Divertissement commence par un grand air à deux tems, dans le genre de ceux qui étoient autrefois exécutés par les plus grands danseurs. Mlle Lani, qui danse cet air, y fait voir la plus forte, la plus grande & la plus parfaite exécution. Suivent deux menuets dansés en pas de deux, l’ariette chantée par Castor, deux gavottes & deux tambourins gais en forme de contredanse, dans lesquels Mlle Lani montre autant de légereté & de vivacité qu’elle a montré de noblesse & de fierté dans son premier air. C’est lorsque le Ballet reprend un des tambourins, que le Divertissement est interrompu par l’arrivée d’un Spartiate, qui annonce l’entreprise de Lincée. Tout prend les armes, & les danseurs ne sont plus alors que des guerriers qui vont au combat, les uns avec Pollux, & les autres avec Castor.
L’objet de la fête du second Acte est de célebrer le triomphe de Pollux, qui a tué Lincée. Sur l’air qui a servi de marche à l’entrée triomphante de Pollux, deux Athletes, Mrs Laval & Hyacinthe, paroissent d’abord attendant leurs adversaires, Mrs Lani et Vestris, qui arrivent bientôt, chacun choisit son combatant, ce qui forme un double pas de deux. Après que Mrs Lani & Vestris ont fait voir  à plusieurs reprises leur supériorité, ils achevent de vaincre & de renverser entierement leurs adversaires, qui succombant & presque à terre, les regardent pour leur demander grace. Ce tableau, un des plus frappans qu’il y ait eu au Théatre, a produit le grand effet qu’on en attendoit. Ce n’est pas tout. Dans l’instant même, sur un air gai à trois tems, en forme d’air de triomphe, accourent en dansant deux femmes Spartiates représentées par Mlles Lyonnois & Labatte, chacune une couronne à la main : elles les présentent aux vainqueurs & obtiennent la grace des vaincus, ceux-ci se retirent, & les triomphateurs dansent avec les deux femmes Spartiates. A la fin du pas de quatre elles vont se mettre à la tête d’un corps d’entrée de femmes, qui vient se joindre à celui des hommes pour former un Ballet général. Ensuite après une loure ou un air d’Athletes, air de caractere & de réputation, viennent deux tambourins. Mlle Lyonnois qui les danse, y fait un très grand plaisir. Le Divertissement finit par un Ballet général.
On voit dans la fête du troisiéme Acte, les Plaisirs célestes, qui conduits par Hébé, cherchent à détourner Pollux du projet qu’il a de renoncer à l’immortalité pour aller délivrer son frere.
Ce Divertissement commence par un air connu sous le nom d’Entrée des plaisirs célestes. L’Enchanteresse, Mlle Puvigné, qui fait le personnage d’Hébé, entre à la tête du corps d’entrée : elle semble dans ce premier air faire ses dispositions avec la troupe pour ce qu’elle doit exécuter ensuite. Sur ce que Pollux dit à cette troupe, les femmes du corps d’entrée se présentent à lui en attitudes extrêmement bien groupées, les bras entrelacés avec leurs guirlandes, pendant un petit chœur de femmes, sur ces paroles :
Qu’Hébé, de fleurs toujours nouvelles,
Forme vos chaînes éternelles.
L’indifférence que Pollux montre pour tous ces objets, donne lieu à Hébé d’agir elle-même ; c’est alors que sur cette voluptueuse Sarabande, dont la parodie commence par ces paroles : Voici des Dieux, &c. Mlle Puvigné fait en graces nobles & tendres tous ses efforts pour détourner Pollux de son projet. On lui chante la parodie de cette Sarabande ; on reprend le même petit chœur, sur lequel les femmes du ballet repétent leurs mêmes pas d’attitudes ; tout cela ne le détermine point. Alors Hébé essaye, sur un air d’un mouvement plus léger, à le piquer par des graces plus légeres. L’inutilité de ses efforts la fait enfin recourir à des graces vives & enjouées, sur deux gavotes, à la fin desquelles elle se retire un peu au fond du théatre à la tête de tout le ballet, comme pour former une barriere qui empêche Pollux de sortir. Il se dégage de ces chaînes, & sort. Sur les premieres mesures de l’air de l’entracte, tout le ballet le suit en dansant jusques dans la coulisse.
Le quatriéme Acte a deux divertissemens. Le premier est une magie. Ce sont des Démons, des Spectres, des Furies même qui sortent des Enfers pour empêcher Pollux d’y pénétrer.
Avant le trio de Mercure, de Pollux & de Phébé, auquel se joignent les chœurs, les Démons se présentent à la porte des Enfers pour en défendre l’entrée à Pollux.
Après le trio & le double chœur des Démons & des Magiciens de la suite de Phébé, sur un premier air, les corps d’entrée des Démons s’avance d’abord sur Pollux ; vient-ensuite un pas de deux de Mrs Laval & Hyacinthe, puis les trois Furies, par les Dlles Lyonnois, Labatte & Chevrier : ces personnages, tantôt séparément, tantôt réunis en pas de cinq, cherchent par leurs attitudes à effrayer Pollux. Après l’admirable chœurBrisons sous nos fers, vient un second air d’un mouvement encore plus vif, c’est alors que toute la danse redouble d’efforts pour éloigner Pollux ; mais Mercure, en les frapant de son caducée, & Pollux en montrant le plus grand courage, les force à rentrer dans la caverne, où Pollux s’abîme avec Mercure.
Le second divertissement de ce quatriéme Acte est d’un caractere tout opposé. C’est l’image des plaisirs doux & tranquilles dont jouissent les Ombres heureuses aux Champs Elizées. Après que Castor a chanté le monologue Séjour de l’éternelle paix, &c. sur un air qu’on appelle l’Entrée des Ombres heureuses, différentes quadrilles d’Ombres arrivent en dansant, elles entourent Castor, & semblent l’inviter à prendre part à leurs jeux : puis sur une petite loure gaye & légere, & sur une gavotte, les Dlles Puvigné & Raix, & M. Lepy, entrent successivement, forment des pas seuls, des pas de deux, des pas de trois, paroissant tantôt s’éviter, tantôt se chercher, pour peindre cette légéreté qui fait le caractere des Ombres. Le corps d’entrée, dans sa partie, se divise de même en petites troupes, pour aider à la vérité du tableau. Après un menuet & le chant de sa parodie viennent deux passepieds, dansés par Mlles Puvigné & Raix. Lorsque le premier de ces passepieds est repris par le corps d’entrée, il est interrompu, avant la fin, par une symphonie, & ensuite un chœur qui annonce l’arrivée de Pollux. Le divertissement se termine par la suite du ballet.
Dans le cinquiéme Acte, après que Jupiter a ordonné l’installation de Castor & de Pollux au ciel, commence un divertissement formé par les Génies qui président aux globes célestes, sur une chaconne dans laquelle il se trouve des couplets propres aux actions du ballet. Le Soleil représenté par M. Vestris, paroît, & par sa danse exprime la noblesse & la majesté de ses révolutions. Venus & Mercure, représentés par M. & Mlle Lani, qui tournent autour du Soleil, forment un pas de trois avec lui. La Dlle Raix représentant une cométe, vient par des courses rapides & irrégulieres se joindre au pas dont elle rompt les figures, ainsi que du corps d’entrée, lorsqu’elle s’y mêle. Après un grand chœur, la Dlle Raix danse seule une petite gigue en loure ; enfin, après une ariette que chante Castor, viennent deux gavottes, sur lesquelles la Dlle Raix augmente de vivacité en traversant le ballet dans toutes ses parties presqu’en même tems, ce qui forme un ballet général vif & brillant qui termine le divertissement & l’Opera.
Il seroit inutile de dire que M. Lani, compositeur des Ballets de l’Opera, a beaucoup de talent. Nous venons de donner des preuves ausquelles il nous paroît difficile de se refuser. »

Mercure de France, décembre 1763, p. 153

« Le Samedi 5 Novembre, on éxécuta pour la premiere fois l’Opéra de Castor & Pollux, Poëme de M. BERNARD, Musique de M. RAMEAU. Les Acteurs chantans étoient :
POLLUX,Fils de Jupiter & de Léda, Roi de Sparte,le Sr Gelin.
CASTOR,Fils de Tindare & de Léda,le Sr Jéliote.
THELAIRE, Fille du Soleil,la Dlle Arnoud.
PHEBÉ, Fille du Soleil,la Dlle Chevalier.
JUPITER,le Sr Larrivée.
MERCURE,le Sr Pilot.
CLÉONE, Confidente de Phébé, la Dlle la Malle, de la Musique du Roi,& non de l’Académie.
La Dlle DUBOIS chantant les Airs des Divertissemens, & représentant divers Personnages, &c. &c. &c.
On ne s’étendra point sur le mérite de cet Opéra, dont le Poëme & la Musique sont également connus, & ont fait les délices de tous les Amateurs de ce Spectacle. L’exécution des Rôles en a été d’autant plus intéressante, qu’elle étoit soutenue de la chaleur & du sentiment qui animent le talent de la Dlle ARNOULD, de tout l’éclat & de l’art enchanteur du célébre Acteur que le Public a perdu (le Sr JELIOTE) lequel sembloit avoir recueilli de nouvelles forces, & s’il étoit possible, ajoûté de nouveaux talens à ceux qui l’ont fait exceller. Ces avantages étoient secondés par les autres principaux Acteurs qui ont rempli tous les rôles avec le plus grand art. Les Ballets ont été déssinés & exécutés de manière à faire bien sentir les progrès que cet Art a fait depuis quelques années. On a été frappé surtout d’une Entrée qui peignoit avec les trais les plus forts & les plus vrais, les Jeux célébres des Athletes & des Gladiateurs. Cette Entrée, exécutée par les Srs LAVAL, GARDEL, LYONNOIS, & HYACINTHE pour les Lutteurs, & par les Srs LEGER, & DAUBERVAL pour les Gladiateurs, étoit d’un grand effet ainsi que celle des Furies au 4e Acte, exécutée par le Sr DAUBERVAL, les Dlles LIONNOIS & ALLARD. L’Entrée de Démons liée à la précédente dans le même Acte &primée par les Srs LAVAL, GARDEL & LYONNOIS, respiroit le trouble & la terreur, tout y étoit caractérisé avec feu.
Au cinquiéme Acte le Sr VESTRIS éxécutoit, au milieu de l’Entrée des Génies qui président aux Planettes, celui du Soleil, avec la distinction de talent analogue à celle du personnage qu’il figuroit, ainsi que la Dlle LANI celui de laLune : les Dlles ALLARD, VESTRIS & les Sieurs GARDEL & CAMPIONI, &c. figuroient les autres Planettes. La Dlle VESTRIS dansoit sous la forme d’HÉBÉ, au troisiéme Acte, l’enchantement céleste, qui est l’objet de cette Entrée. Un jeune Sujet (la Dlle GUIMARD) déjà connue & applaudie sur les Théâtres de Paris, a donné des preuves agréables de ses progrès, & particulièrement dans les Ballets de cet Opéra où elle dansoit plusieurs Pas de deux.
La Pompe du Spectacle dans cet Opéra a surpassé encore celle des précédens en habis & en décorations. Les plus remarquables étoient celles d’un Palais éclatant deJupiter, au troisiéme Acte, & celle du Palais celeste du même Dieu & des Divinités des Planettes.
La première, représentant l’intérieur du Palais deJupiter, offroit l’aspect de trois grandes galleries formées par quatre rangs de Colonnes torses d’ordre composite, dont la matière paroissoit d’émeraudes. Les Tores des Colonnes étoient environnés d’une guirlande de Diamans dans toute la hauteur. Les Chapiteaux, en or, étoient pareillement ornés de Diamans avec des foudres en rubis sur les principales faces. La même richesse régnoit sur les bâses, ainsi que sur l’entablement, dont les fonds étoient en or dans la corniche ainsi que dans l’architrave, & en émeraude dans la frise. Les moulures, les rosettes, les modillons & tous les autres ornemens des Plafonds, dont les fonds étoient en or & divisés par platebandes, étoient aussi enrichis de Pierres précieuses distribuées suivant l’ordre d’architecture. Les aîles de cette décoration n’étoient formées que de vapeurs ou nuages reflettés des couleurs du Palais & qui se répandoient aussi en plusieurs endroits du plafonds.
L’embellissement de cette décoration en pierreries étoit encore un des fruits de la vigilance & des talens, en cette partie, de M. LÉVÉQUE, Garde-Magasin général des menus Plaisirs. Ce genre d’ornement n’avoit jamais été mieux placé que dans cette occasion où un pouvoir surnaturel admet la probabilité idéale d’un éclat si précieux par sa rareté dans la nature physique. D’ailleurs la distribution n’en pouvoit être plus agréable & d’un meilleur effet, en ce que les guirlandes de diamans dans toute la hauteur des colonnes, produisoient de grandes masses continuées & prolongées : avantage que n’occasionnoit pas la structure des autres décorations enrichies de cette brillante matière.
L’autre décoration avoit à représenter les cieux ouverts. Le fond étoit l’extérieur du Palais de Jupiter formé par une colonade. Dans un lointain supérieur, le Zodiaque avec le Signe des Gémeaux nouvellement installés. Le Soleil sur son char, parcourant sa lumineuse carrière. Sur les côtés les pavillons ou Palais des principales divinités célestes, indiqués par les couleurs & par des attributs ; le tout porté sur des nuages éclatans. Tout cet Ensemble, qui étoit en transparent jusques aux premiers chassis du bord du Théâtre, étoit d’une telle force de lumière & d’un tel éclat que la vue en supportoit à peine l’effet, & par là ne figuroit pas mal le lieu où l’on suppose être le principe & la source de la lumière. On connoissoit déja les effets du transparent, mais on ne l’avoit guères employé que dans des parties de lointain, des Gloires, ou autres objets repoussés par des masses éclairées seulement de reflet : ceci est un essai qui est susceptible de perfection pour parvenir à la justesse des effets perspectifs, par une gradation combinée des lumières, par le choix des couleurs, par la fonte insensible des ombres avec les clairs dans la Peinture, en un mot par beaucoup d’études & de recherches de l’Art. On devra aux Ordonnateurs de ces Spectacles une voie qui peut conduire à des moyens propres pour le merveilleux, si souvent & peut-être si nécessairement en usage dans la représentation des Opéra.
Nous n’avons pû donner que cette foible esquisse de la magnificence avec laquelle on a décoré le Poëme ingénieux d’un des plus agréables de nos Poëtes & l’un des chefs-d’œuvres du plus célébre de nos Musiciens. »

Mercure de France, avril 1764, Vol. I, p. 173

« ON a continué Castor & Pollux, avec tout le succès que mériteront toujours les beautés réunies de la Musique & de la Poësie, jointes à la pompe & à l’éclat d’un magnifique spectacle.
Ce que nous avons annoncé de M.le Gros, dans un Supplément à l’Article de l’Opéra, page 222 du Mercure de Mars, s’est trouvé si avantageusement confirmé par le Public, que depuis le jour du début de cette nouvelle Haute-contre dans le rôle de Titon, l’affluence du Public ne cesse d’augmenter aux représentations de cet Opéra. On l’a donné de suite les trois jours gras, & on le continue actuellement les Mardi & Jeudi de chaque semaine. Jamais Nouveauté du plus grand succès n’a attiré & soutenu à aucun Théâtre un concours aussi nombreux de Spectateurs. Les suffrages sur le compte de ce Sujet sont unanimes & sans aucune des restrictions si fréquemment employées à l’égard de ceux qui ont débuté avec le plus d’avantage, & qui ont occupé par la suite les premiers rangs sur la Scène. Nous exhortons ceux de nos Lecteurs qui seront curieux de connoître le genre propre du mérite de ce nouveau Sujet, à lire ce que nous en avons dit dans le vol. précédent à l’art. indiqué ci-dessus. Les Amateurs des Spectacles vraiment honorables pour la Nation, voyent avec plaisir revivre pour ainsi dire parmi nous celui de l’Opéra. Comme une partie du Public est souvent entraînée par le seul concours de l’autre, les Partisans du goût espérent que cette partie mobile des Spectateurs conduite par la circonstance, s’accoutumera insensiblement à ne plus prendre la force du bruit pour celle de la Musique & le désordre de la déraison pour le charme de la gaîté. »

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Discographie

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