CASTOR ET POLLUX (1737)
General description
Performances
Libretto
Reception
Compositeur : RAMEAU, Jean-Philippe (1683-1764)
Auteur du texte : BERNARD, Pierre-Joseph (1708-1775)
Création : 24 octobre 1737 - Académie royale de musique (Paris)
Genre : Tragédie lyrique (Prologue et 5 actes)
Catalogue : RCT 32A
Synopsis :
Prologue. The Pleasures and the Arts exhort Venus to chain up the god of war, who has been raging for too long. At Minerva’s request, Cupid (L’Amour) intercedes with his mother. Venus appears accompanied by Mars and the Cupids who have subdued him. Festivities celebrate the truce.
I. The people of Sparta are grieving at the funeral rites of Castor, who has been slain by Lincée (Lynceus). Télaïre (Telaira), daughter of the Sun, mourns the one she loved, all the more so since his rival is still alive. Phébé (Phoebe) reminds the inconsolable princess that immortal Pollux will avenge his brother. Pollux then appears to announce Lincée’s death. In his enthusiasm he also confesses to Télaïre that he loves her: demanding proof, she obtains Pollux’s promise that he will beseech Jupiter to restore Castor to life.
II. Pollux is torn: by saving his brother he will lose Télaïre. But, as the high-priest announces Jupiter’s descent, Télaïre reminds him of his promise. Pollux obtains his father’s mercy for Castor, but at a dreadful price: in exchange he will have to die himself. Determined, Pollux agrees.
III. Phébé, in love with Pollux, tries to stop him at the gates of the Underworld. Despite her resolve and the pleas from the people of Sparta, the hero remains inflexible. Phébé then turns to Télaïre to secure her help but soon understands Pollux’s true motivation: the one she loves is driven less by his feelings for his brother than by those for the princess. She desperately appeals to the infernal spirits. With Mercury’s help, Pollux manages to escape and disappears in the Underworld, while she herself cannot follow him and remains abandoned to her heart’s torments.
IV. Captive in the Elysian Fields, Castor is obsessed by his love for Télaïre. He easily resists the happy spirits who attempt to charm him. Pollux arrives and rouses him from his thoughts. He informs his brother of his resolution. Moved, Castor asks for only one day on earth at the princess’s side. He will then come back to free his brother. Mercury returns him to the world of the living.
V. Phébé is devastated by Castor’s return in exchange for Pollux’s death. She vows to rekindle Jupiter’s wrath. The reunion of the lovers is intense but brief: when she learns of the pact between the two brothers, Télaïre uses all her powers of persuasion to keep her beloved. Castor’s hesitations are interrupted by a muffled rumbling revealing the Underworld’s impatience. As the situation reaches its climax, Jupiter appears to announce that the two brothers will be allowed to share their immortality. Pollux’s return is scarcely marred by the news of Phébé’s suicide: a ballet danced by the stars and the planets crowns the birth of a new constellation — Castor and Pollux.
[Benoit Dratwicki]
Parody(ies) :
François Riccoboni et Jean-Antoine Romagnesi, Castor et Pollux
Création : Comédie-Italienne 14 décembre 1737
Localisation : édition, Paris : veuve Delormel, 1737
Voir sur Theaville
[Pauline Beaucé et Françoise Rubellin]
1737/10/24 - Académie royale de musique - CASTOR ET POLLUX (1737)
PÉLISSIER, Marie [Télaïre]
ANTIER, Marie (1687-1747) [Phébé]
TRIBOU, Denis-François [Castor]
DECHASSÉ, Claude-Louis-Dominique (1699-1786) [Pollux]
DUN, Jean I (-1735) [Jupiter]
CUVILLIER, Louis-Antoine (-1752) [Grand prêtre de Jupiter]
PETITPAS [Plaisir céleste]
PETITPAS [Ombre heureuse]
PETITPAS [Planète]
ALBERT, Mr (1734- fl.) [Athlète]
EEREMANS [Minerve]
FEL, Marie (1713-1794) [Amour, l']
RABON [Vénus]
LE PAGE, François (1709-1780 ca) [Mars]
Mercure de France
Mercure de France, décembre 1737, p. 2657
« L’Académie Royale de Musique donna le 24. Octobre la premiere Représentation de la Tragédie de Castor et Pollux ; le concours des Spectateurs fut des plus complets, attendu la célébrité de l’Auteur de la Musique ; les aplaudissemens que M. Rameau s’étoit attirés dans ses deux premiers Opera, donnoient une grande idée du troisiéme ; ce n’est pas à nous à juger si cette idée a été remplie ; le Public n’est point encore d’accord sur ce point, et ce n’est que par lui que nous devons nous déterminer : d’ailleurs nos Extraits n’ont ordinairement que le Poëme pour objet. Ce sera donc uniquement sur ce qu’on apelle les paroles que nous arrêterons.
Le Theatre représente au Prologue divers Portiques ruinés par les ravages de la Guerre ; les Arts y sont abandonnés ; on y voit des Berceaux renversés, sur lesquels les Plaisirs paroissent inanimés, &c. Minerve et l’Amour ouvrent la Scene après un cœur plaintif, par lequel les Plaisirs et les Arts implorent le secours de Venus : la Déesse des beaux Arts prie l’Amour de leur rendre sa Mere favorable. Elle s’exprime ainsi.
Implore, Amour, le secours de ta Mere,
On détruit mes Autels, on t’insulte à Cythere ;
Lance tes traits vainqueurs sur un Dieu redouté ;
C’est à Venus d’écarter nos allarmes ;
Qu’elle éprouve aujourd’hui le pouvoir de ces charmes,
Qui lui donnent sur moi le prix de la Beauté.
L’Amour implore Venus, et finit sa priere par ces Vers :
Unis dans tes regards tous les feux que j’inspire
Rends le Tyran du Monde esclave dans ma Cour ;
Tout terrible qu’il est, qu’il aime, qu’il soûpire ;
Qu’il adore Venus, qu’il respecte l’Amour.
Minerve ajoûte encore ces quatre Vers.
Venus, que ta gloire réponde
A l’espoir qui nous a flaté ;
Triomphe ; c’est à la Beauté
De faire le bonheur du Monde.
Venus descend des Cieux avec Mars, que les Amours ont enchaîné à ses pieds. Mars promet à Venus de calmer la Terre en sa faveur ; tout s’embellit par la présence de la Mere d’Amour ; on invite la Paix à descendre des Cieux ; les Arts et les Plaisirs forment la Fête du Prologue par leurs Chants et par leurs Danses ; Minerve annonce la Tragédie, qui doit le suivre, par ces derniers Vers :
D’un Spectacle nouveau que la pompe s’aprête ;
Minerve à l’Amour va s’unir :
Les Arts vont préparer la Fête ;
L’Amour va l’embellir.
Le Public n’ayant pas trouvé le caractere de Minerve assés décemment rendu, l’Auteur docile a substitué le Dieu des Arts à celle qui en est réputée la Déesse.
Le Theatre représente au premier Acte de la Tragédie un Lieu destiné à la Sepulture des Rois de Sparte ; on y voit les aprêts de la Pompe funebre de Castor.
Après un Chœur de Spartiates, qui pleurent la mort de Castor, Fils de Tindare et de Leda, Telaïre,Fille du Soleil, s’avance précipitamment vers le Tombeau qui renferme les cendres de son Amant ; Phebé, Princesse de Sparte, l’en détourne, et tâche de la consoler ; ces deux Princesses exposent le Sujet, et font connoître que Castor a été tué par Lyncée, son Rival, et que Pollux, Fils de Jupiter et de Leda, combat actuellement contre Lyncée, pour venger la mort de Castor son Frere ; on aprend dans la même Scene que Phebé aime Pollux. Phebé s’étant retirée, Telaïre exprime ses regrets, par ces Vers :
Tristes aprêts, pâles flambeaux,
Jour plus affreux que les tenebres,
Astres lugubres des tombeaux
Non, je ne verrai plus que vos clartés funébres.
Toi, qui vois mon cœur éperdu,
Pere du jour, ô Soleil ! ô mon Pere.
Je ne veux plus d'un bien que Castor a perdu,
Et je renonce à ta lumiere.
Tristes aprêts, &c.
Un bruit de trompettes annonce la victoire que Pollux vient de remporter sur Lyncée, ce qui donne lieu à une Fête de Guerriers, et change le deüil en joye ; Pollux annonce à Telaïre la mort de Lyncée ; il déclare son amour à cette Princesse, qui ne laisse pas d’éxiger de lui un plus grand effort, c’est d’obtenir de Jupiter son Pere, que Castor revienne joüir de la clarté des Cieux : elle sent toute la grandeur du Sacrifice qu’elle lui demande, et le fait bien connoître par ces Vers.
D'un Frere infortuné ressusciter la cendre,
L'arracher au tombeau, m'empêcher d'y descendre.
Triompher de vos feux, des siens être l'apuy,
Le rendre au jour, à ce qu'il aime,
C'est montrer à Jupiter même
Que vous êtes digne de lui.
Pollux dans un court Monologue se détermine en faveur de la gloire à laquelle Telaïre vient de l’inviter.
Acte II. Le Theatre représente le Vestibule du Temple de Jupiter. Pollux commence l’Acte par ce Monologue.
Nature, Amour, qui partagés mon cœur,
Qui de vous sera le vainqueur ?
De Jupiter ici mon destin va dépendre ;
L'amitié brûle d'obtenir
Ce que l'Amour frémit d'entendre,
Et, quelque Arrêt que le Ciel puisse rendre,
Il va parler pour punir
L'Ami le plus fidele, ou l'Amant le plus tendre.
Nature, Amour, &c.
Ce Monologue dans la premiere Représentation étoit suivi d’un Dialogue entre Pollux et Telaïre ; mais comme cela ne faisoit qu’une Scene doublée l’Auteur toûjours docile aux corrections du Public, l’a retranché.
Le Grand Prêtre de Jupiter vient annoncer à Pollux que le Maître des Cieux va descendre, et les Cieux avec lui ; il se retire avec sa suite, et Pollux reste seul sur le Theatre.
Pollux prie Jupiter son Pere de retirer Castor des Enfers ; Jupiter lui annonce que le Destin n’y consent qu’à une condition, qui est qu’il remplira lui-même la place de ce cher Frere dans les Enfers ; Pollux frémit d’un Arrêt qui le condamne à ne plus voir Telaïre, mais il ne balance pas à subir cette loy ; il s’explique ainsi.
Non, je verrai Castor ; il verra Télaire,
II est aimé ; c'est à lui d'être heureux ;
Chaque instant qu'ici je respire
Est un bien que j'enleve à son cœur amoureux.
Jupiter, pour distraire Pollux son Fils d’un soin aussi fatal que genereux, ordonne aux Plaisirs célestes, de ne rien negliger pour retenir Pollux dans les Cieux.
Les Plaisirs font ici une Fête très gracieuse, à laquelle Pollux paroît insensible ; un Plaisir céleste chante ces paroles sur un air très-tendre :
Voici des Dieux
L'heureux azyle ;
Goûtez des Cieux
La paix tranquille.
Plus de plaisirs
Que de desirs,
Des chaînes
Sans peines ;
Et de beaux jours,
Comptés toûjours
Par les Amours.
Si l'on soûpire,
C'est sans martyre ;
Est-on charmé ?
On plaît de même,
On dit qu'on aime,
On est aimé.
Malgré tout ce que les Chants et les Danses des Plaisirs Célestes ont de plus attrayant ; Pollux persiste dans le noble dessein d’aller prendre la place de son Frere dans les Enfers.
ACTE III. Le Theatre représente l’Entrée de l’Enfer. On y voit une caverne qui vomit sans cesse des flammes.
Phébé invite les Spartiates, dont elle est suivie, à empêcher Pollux, leur Roi, de descendre aux Enfers ; elle anime les Spectres et les Démons qui gardent cet affreux passage, à le fermer à son Amant. Pollux vient ; Phebé n’oublie rien pour le détourner d’un projet si funeste ; Télaïre survient, et fait entendre au Frere de son Amant le succès qu’il doit attendre d’une entreprise si glorieuse ; voici comme elle s’explique, en s’adressant à Pollux.
Aux pieds de ses Autels j’ai consulté mon Pere ;
Et le sombre avenir a paru devant moi ;
Cher Prince, à vos destins livrez-vous sans effroy ;
Ecoutez ce qu'un Dieu permet que l'on espere.
Son Char a reculé tout à coup à mes yeux ;
J’ai vû la Nuit, l'Erebe et ses affreux rivages ;
Mais soudain mille éclairs ont percé ces nuages,
Et du fond des Enfers j’ai vû de nouveaux Dieux
Passer au dessus du Tonnerre ;
Un coup de foudre est tombé sur la terre,
Mais j'ignore quel Sang a coulé dans ces Lieux.
Pollux, malgré Phebé et ses Peuples, veut remplir son Projet ; les differens interêts des deux Princesses, joints à celui du Prince, donnent lieu à un Trio generalement aplaudi ; en voici les paroles :
PHEBÉ.
Sortez, sortez d'esclavage ;
Combattez, Démons furieux.
POLLUX, et TÉLAIRE.
Tombez, dans l'esclavage,
Arrêtez, Démons furîeux.
PHEBÉ.
Fermez-lui cet affreux passage,
Et redoutez le Fils du plus puissant des Dieux.
POLLUX et TELAÏRE.
Livrez-moi / Livrez-lui cet affreux passage.
Et respectez le Fils du plus puissant des Dieux.
Le Chœur qui repete ces mêmes paroles, répond à la beauté du Trio.
Pollux, par le secours de Mercure, descend dans les Enfers ; Phebé fait entendre qu’elle l’y suivra guidée par son désespoir, quoi qu’elle vienne d’être instruite de l’amour de ce Prince pour Telaïre.
ACTE IV. Le Theatre représente les Champs Elisées ; on y voit une troupe d’Ombres heureuses. Castor ouvre la Scene, et fait entendre que malgré la félicité qui regne dans ces lieux, l’absence de Telaïre le rend malheureux. Les Ombres heureuses invitent Castor à joüir du bonheur qu’elles goûtent ; une d’entre elles lui parle ainsi :
Sur les Ombres fugitives
L'Amour lance encor des feux ;
Mais il ne fait sur ces Rrives
Qu'un Peuple d'Amans heureux ;
Les plaisirs les plus aimables
Naissent plûtôt que leurs vœux :
Ils sont purs, ils sont durables.
Les chants et les danses des Ombres heureuses sont troublés par l’arrivée de Pollux ; il les rassure : il cherche Castor ; ils se reconnoissent tous deux avec un plaisir extrême de part et d’autre. Pollux aprend à Castor qu’il vient prendre sa place parmi les Ombres, pour le rendre à sa chere Telaïre ; Castor s’y opose autant qu’il peut par un motif d’amitié et de reconnoissance ; Pollux lui aprend qu’il est son Rival, mais que Telaïre n’en est pas moins fidelle à ses premiers feux ; cette Scene a paru très belle.
Castor se détermine enfin à revoir Telaïre, mais joüissant par avance du privilege de l’immortalité que Pollux veut bien lui ceder, il fait ce serment, en parlant de Telaïre :
Je jure par le Styx, qu'une seconde Aurore
Ne me trouvera pas au séjour des Mortels
Je ne veux que la voir, et l'adorer encore ;
Et je te rends le jour, ton Trône, et tes Autels.
Les Ombres heureuses prient Castor de revenir parmi elles.
ACTE V. Le Theatre représente une vûë agréable des environs de Sparte.
Nous ne ferons que parcourir l’action de ce dernier Acte, pour ne pas allonger cet Extrait ; voici l’ordre des Scenes ; on a retranché la premiere, comme peu nécessaire, Phebé ne fait plus de Monologue, on la supose descenduë aux Enfers pour aller joindre Pollux, comme elle l’a fait pressentir dans la derniere Scene de l’Acte précédent ; Castor et Telaïre ouvrent la Scene ; Castor annonce à sa Princesse, qu’il à juré d’aller retirer son Frere des Enfers, elle ne peut consentir à le perdre une seconde fois ; Castor malgré ses tendres plaintes, et les prieres de ses Peuples, veut remplir son serment : le Tonnere gronde, pour annoncer la descente de Jupiter, mais Castor et Telaïre croyent que c’est pour les punir tous deux d’un parjure prétendu ; Jupiter descend des Cieux sur son Aigle et rassure ces tendres Amans par ces vers qu’il adresse à Castor :
Les Destins sont contens, ton sort est arrêté ;
Je te rends à jamais le serment qui t'engage ;
Tu ne verras plus le Rivage
Que ton Frere a déja quitté.
Il vit, et Jupiter vous permet le partage
De l'immortalité.
Voici comment il regle le destin de Telaïre.
Et vous, jeune Mortelle, embellissez les Cieux,
Le sort accomplit ses promesses ;
C'est la valeur qui fait les Dieux,
Et la beauté fait les Déesses.
Pollux revoit son Frere avec Telaïre, sans en être jaloux ; il a triomphé de son amour, pour se livrer tout entier à l’amitié qui l’unit à Castor. Ces deux Princes sont placés dans le Zodiaque sous le nom de Jumeaux ; le Ciel s’ouvre à la voix de Jupiter ; le Zodiaque paroît ; des Globes de feu en descendent et les Génies qui y président forment la Fête de ce dernier Acte, qui finit par ces quatre Vers :
Que les Cieux, que la Terre, et l'Onde
Brillent de mille feux divers ;
C'est l'ordre du Maître du Monde ;
C'est la Fête de l'Univers. »