Mercure de France

Mercure de France, juillet 1751, p. 174

Mercure de France, juillet 1751, p. 174

« L’Académie Royale de Musique continue les représentations des Indes galantes. On loue dans le Poëme une versification très-aisée à mettre en chant, mérite plus rare qu’on ne pense ; des Scénes coupées avec art, des divertissemens bien amenés, & des détails agréables. L’idée du Ballet des Fleurs, qui est du Poëte, est une des plus heureuses qui soient au Théatre de l’Opera. On reconnoît dans cet ouvrage l’Auteur des Amours des Dieux, des Amours déguisés, des Fêtes Grecques & Romaines, &c.

La Musique est très digne de M. Rameau. Tous les airs du Prologue, à commencer par l’ouverture, ont été parodiés, ce qui est toujours la preuve la plus incontestable du succès. On admire sur tout la legereté & le brillant de l’Ariette, Amans sûrs de plaire ; la fierté & l’harmonie de la Polonoise, la douceur & le chant de la Musette, & du chœur qui l’annonce.

On remarque dans le premier Acte une tempête, où les flûtes, entre autres instrumens, font un très-bel effet pour exprimer le sifflement des vents. Les tambourins de la fête des Matelots, sont d’une extrême gayeté, & l’Ariette, Regnez Amours, est une des plus belles de M. Rameau.

Tout le monde regarde la fête du Soleil dans l’Acte des Incas, comme un des plus beaux morceaux qui soient au Théatre Lyrique.

Le divertissement du troisiéme Acte, connu sous le nom d’Acte des Fleurs, est une très-belle chose. On a sur-tout goûté la Sarabande de la Rose ; l’air qui précede celui de Borée, & celui de Zéphire.

M. de Chassé réussit beaucoup dans le rôle d’Huascar-Inca par la noblesse de son jeu & le goût du chant. Mlle Coupée met des graces & de la legereté dans les rôles d’Hebé & de Fatime. Mlle Romainville chante fort bien le Monologue de l’Acte des Incas, Viens, Hymen. On est fâché que le rôle de Valere, que fait M. Jeliotte dans le premier Acte, soit peu de chose.

Nous ne craignons pas de dire qu’on n’avoit pas vû depuis fort long-tems à l’Opera des Ballets aussi bien dessinés que ceux des Indes galantes. Ils sont de M. Lany, qui a du goût & du talent. La Polonoise a été exécutée à ravir, dans le Prologue, par M. & Mlle Lyonnois. Le Pas de cinq a bien réussi dans le premier Acte. Mlle Lany a dansé une loure dans le second Acte avec beaucoup de goût, de force & de précision. Cette grande danseuse n’avoit pas été encore aussi applaudie dans la danse noble. Mlle Puvignée a déployé toutes ses graces dans la Rose, & M. Vestris, toute sa force & sa noblesse dans Borée.

Nous oublions presque de dire que Mlle Vestris dansa avec beaucoup de volupté dans le Prologue, M. Dupré avec la perfection qui lui est ordinaire dans les Incas, & qu’on a été bien aise de voir Mlle Reix faire Zephir à la place de M. Teissier. »