Correspondence

LETTRE DE RAMEAU À MONGEOT - 29 mai 1744

LETTRE DE RAMEAU À MONGEOT

29 mai 1744

Je suis très sensible, Monsieur, à l’honneur que vous me faites, et en même temps très mortifié de ne pouvoir vous être que d’un faible secours, tant parce que mes affaires ne me permettent pas de m’en détourner, que parce que ce que vous souhaitez demande un bien plus long détail que vous ne l’imaginez peut-être. Il faut être au fait du spectacle avoir longtemps étudié la nature, pour la peindre le plus au vrai qu’il est possible ; avoir tous les caractères présents, être sensible à la danse, à ses mouvements, sans parler de tous les accessoires ; connaître la voix, les acteurs, etc. Le ballet vous conviendrait mieux que la Tragédie pour début. Je crois, d’ailleurs, M. Panard plus capable de l’un que de l’autre ; il a du mérite, mais il ne nous a point encore donné de lyrique. Il faudrait, avant que d’entreprendre un si grand ouvrage, en avoir fait de petits, des cantates, des divertissements, et mille bagatelles de cette sorte qui nourrissent l’esprit, y échauffent la verve et rendent insensiblement capable des plus grandes choses. J’ai suivi le spectacle depuis l’âge de douze ans ; je n’ai travaillé pour l’Opéra qu’à cinquante ans, encore ne m’en croyais-je pas capable ; j’ai hasardé, j’ai eu du bonheur, j’ai continué. Je suis, avec toute la considération possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Rameau